Les fautes d’orthographe ont-elles un impact sur les attitudes des consommateurs ?

Christelle Martin Lacroux, maître de conférences en sciences de gestion (laboratoire CERAG IUT2, université Grenoble Alpes) et Brigitte Müller, maître de conférences en sciences de gestion (laboratoire Cergam, université de Toulon) ont analysé l’étude « Quel dommage qu’il y ait autant de fautes », qui s’attache pour la première fois à l’impact des fautes d’orthographe sur les attitudes des consommateurs en ligne.

De précédentes études, dont j’avais parlé dans le cadre d’un webinaire, ont été publiées sur l’effet des fautes sur les sites de vente en ligne. Celles-ci montraient que les fautes d’orthographe constituaient un réel obstacle à la confiance des visiteurs de sites internet. Les fautes diminuaient le score de crédibilité accordée aux sites, la qualité perçue de ces derniers mais également l’image perçue de l’auteur des fautes.

L’étude titrée « Quel dommage qu’il y ait autant de fautes » a été menée en France auprès d’environ 2 000 internautes représentatifs de la population. Deux types de fautes (d’orthographe et typographiques) ont été distillés sur des sites d’e-commerce pour évaluer leur effet en termes d’image et d’intentions d’achat notamment. Pour ce faire, deux sites internet de vente en ligne ont été créés (l’un commercialisant des sacs et l’autre des ustensiles de cuisine) en trois versions : une version sans fautes, une version avec des fautes typographiques, une autre avec des fautes d’orthographe (lexicales et grammaticales).

Chacun ou chacune des participants et participantes a été exposé aléatoirement à l’une des trois versions d’un des deux sites. Il lui a été demandé de visiter les différentes pages avant de répondre à des questions d’évaluation concernant notamment son attitude vis-à-vis de la marque, sa confiance envers le site, ses intentions d’achat ou encore le montant qu’il ou elle serait prêt ou prête à dépenser.

De la nécessité d’une définition de la faute d’orthographe

Dans certaines recherches de ce type, les fautes typographiques (ou fautes de clavier ou encore fautes de frappe) sont considérées comme des fautes d’orthographe à part entière.

Pourtant, il ne s’agit que de fautes mécaniques (omission ou inversion de lettres) très différentes des fautes d’orthographe à proprement parler, c’est-à-dire des fautes lexicales ou d’usage (vert, vers, verre) ou grammaticales (accords, conjugaisons, homophones grammaticaux). Dans d’autres, seules les fautes grammaticales sont envisagées.

Par exemple, sur un CV, les fautes d’orthographe ont un effet négatif significativement supérieur aux fautes typographiques ou fautes de clavier sur le rejet d’une candidature.

Les participants à cette étude ont uniquement repéré les fautes typographiques sur les sites. L’analyse des commentaires et des scores attribués démontre qu’ils n’ont pas détecté les fautes de grammaire ou d’usage (par exemple : pluriel, accord, et/est), et ce même lorsqu’ils se déclarent par ailleurs bons en orthographe.

Seules les fautes typographiques ont eu un effet significativement négatif sur l’attitude des répondants vis-à-vis de la marque et la confiance envers le site internet. Les intentions d’achat des participants n’ont été, quant à elles, impactées négativement uniquement en cas de fautes typographiques…

Les internautes n’ont pas repéré donc pas pénalisé les fautes d’orthographe et, en revanche, ont repéré et pénalisé les fautes de frappe (qui sont, quant à elles, repérables quel que soit le niveau en orthographe des participants).

Quelques pistes d’explications

Christelle Martin Lacroux et Brigitte Müller apportent plusieurs explications.

D’abord, il se peut que les participants ne se soient pas concentrés sur les erreurs d’orthographe en particulier, mais davantage sur l’évaluation globale du site marchand et qu’ils aient donc négligé cet aspect. En effet, les participants ont sans doute pris en compte d’autres critères vis-à-vis de la marque, des produits, pour déterminer leur confiance envers le site, leurs intentions d’achat ou encore le montant qu’ils seraient prêts à dépenser.

–           La cécité d’inattention des individus

Une étude très connue a mis en évidence la cécité d’inattention des individus. Durant une expérience portant sur une séquence vidéo, les chercheurs ont démontré que lorsque l’attention d’un individu était entièrement mobilisée par l’exécution d’une tâche difficile, il pouvait ne pas remarquer un évènement sortant de l’ordinaire durant cette même séquence. L’attention des participants, dans le cadre de cette recherche, étant mobilisée à exécuter une tâche difficile, à savoir évaluer un site internet, ils en ont occulté la présence de fautes.

–           Le manque de compétences suffisantes des participants pour identifier les fautes d’orthographe

On peut aussi tout simplement invoquer le manque de compétences suffisantes des participants pour identifier les fautes d’orthographe.

Ainsi, cette étude pourrait apporter une preuve supplémentaire de la baisse du niveau des Français en orthographe et elle questionne en même temps la relation épidermique avec ce qu’ils pensent être de l’orthographe. En effet, les internautes exposés aux fautes de frappe ont eu des commentaires extrêmement durs à l’égard de ce qu’ils pensent être des fautes d’orthographe.

Un rapport complexe des Français à l’orthographe

Cette étude illustre, selon Christelle Martin Lacroux et Brigitte Müller, de nouveau la complexité du rapport des Français à l’orthographe : dans une récente enquête, les Français se déclarent choqués par les fautes (en particulier dans la presse écrite, où elles dérangent 57 % d’entre eux)… et pourtant, ils sont conscients de leurs lacunes puisque près d’un Français sur deux avoue commettre des fautes récurrentes (en particulier en conjugaison et en grammaire).

Les fautes d’orthographe sur les sites d’e-commerce impactent les achats à hauteur de la faculté d’attention des personnes, placées en position de consommateurs, et de leur niveau d’orthographe et de grammaire pour les déceler.

Florence Augustine

Par Florence

Correctrice et rédactrice de débats, j’accompagne au quotidien les professionnels de l’édition, de la communication, les instances publiques comme privées pour valoriser leurs contenus et leurs échanges.

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