Dans « Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! », essai de près de 120 pages publié aux éditions iXe, Eliane Viennot nous raconte les différentes étapes de la masculinisation de la langue française depuis le XVIIe siècle.
Les grammairiens ont bataillé trois siècles contre les usages et la logique du français pour arriver à imposer, à la fin du XIXe siècle, la règle du « masculin l’emporte ». Le livre retrace cet effort de longue haleine et les résistances qui l’ont contrarié.
D’anciens textes montrent même que jusqu’au milieu du XIXe siècle, cette règle n’était pas appliquée. C’est l’école primaire obligatoire qui a fini par l’imposer. Auparavant, on procédait au choix en cas de multiples noms à accorder avec un verbe et d’autres mots, et le plus souvent on pratiquait l’accord avec le plus proche (« accord de proximité »).
Eliane Viennot s’attache à présenter les anciens usages de la langue et à expliquer les évolutions, les combats liés à différentes catégories grammaticales de mots. Sont ainsi successivement évoqués les noms de métiers et des fonctions, les accords, les pronoms et les noms d’êtres inanimés.
Cet ouvrage apporte des solutions pour re-féminiser la langue française.
L’auteure estime que les règles apprises à l’école ne sont pas logiques et qu’elles contribuent à rendre invisible la moitié de la population.
Si ces règles ont souvent obéi à des mobiles qui étaient tout sauf linguistiques et scientifiques, selon elle, ces mêmes règles peuvent encore évoluer, puisqu’il n’y a pas de fatalité linguistique.
Eliane Viennot conclut que la langue française (p. 111) « n’est pas sexiste » mais genrée, et que cette partition en deux genres grammaticaux, quoi qu’on en dise et contrairement à d’autres langues, contrarie « les rêves des partisans de l’indifférence des sexes ».
La règle grammaticale selon laquelle le masculin l’emporte sur le féminin doit-elle être modifiée ?
Je m’interrogeais dans l’article ci-dessus, écrit pour le blog More Than Words, s’il fallait placer le combat féministe dans la langue française.
Sommes-nous prêtes et prêts à changer nos habitudes grammaticales, à révolutionner les écrits, les correcteurs d’orthographe, à bousculer un peu la société, les mentalités pour plus d’égalité dans les textes ?
Le débat refait surface depuis la parution d’un manuel scolaire qui comporte de l’écriture inclusive.
Portée par des cercles féministes mais rejetée par l’Académie française notamment, l’écriture inclusive remet en cause la règle d’accord de la langue française selon laquelle « le masculin l’emporte sur le féminin ». Elle se traduit par des graphies comme « les député.e.s », « les électeur.rice.s » et par une règle d’accord avec le sujet le plus proche, par exemple « Louis et Louise sont belles ».
La circulaire diffusée par le Premier ministre Edouard Philippe vise à apporter une « clarification après des initiatives dans certaines administrations » et à « clore la polémique ».
Éliane Viennot, Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française, Donnemarie-Dontilly, Éditions iXe, 2014.