Qu’on ne se méprenne pas : l’erreur est humaine, et le français est une langue riche et complexe. L’objet n’est pas de stigmatiser celui qui commet des fautes d’orthographe. Nous commettons tous des fautes, à commencer par des fautes de frappe et d’inattention. Elles sont caractérisées par une lettre manquante, une inversion de lettres, la présence d’une double lettre, ce qui s’apparente à des fautes de frappe. Si ces fautes ne sont pas nombreuses, votre lecteur ne dénotera pas une piètre maîtrise du français, à tout le moins elles révèleront une précipitation due à l’urgence, un signe d’une activité forte. En effet, notre société se définit également par un état d’urgence perpétuel où tout doit aller très vite.
De plus, ces fautes peuvent être éliminées par une simple relecture.
Par contre, les fautes de grammaire et d’orthographe à répétition peuvent nuire à l’image du rédacteur (la vôtre), à l’image de son école, à l’image de l’entreprise (la vôtre).
Au-delà des enjeux liés à la com interne en entreprise, les lacunes en orthographe et grammaire peuvent être préjudiciables du point de vue de la com externe. Une bonne orthographe est un gage de confiance aux yeux de vos clients.
Les phrases suivantes sont tirées de lettres commerciales :
Je vous ai envoyer notre plaquette par courrier.
En ce qui concerne l’immeuble, nous sommes sucptible de devoir… Nous poseront des affiches.
En esperant vous conter parmi nos prochain annonceur, je vous prie, Monsieur, de croire…
Que penser de la fin de cette lettre commerciale, si tant est que la proposition soit intéressante !
L’économie, le business, c’est quoi ? C’est la rencontre entre un acheteur et un vendeur. Pour sortir ses billets ou sa carte bleue, il faut être en confiance. La confiance, c’est comme la dictée : au départ, tout le monde a 20/20, c’est quand on commence à écrire que ça se gâte. Il y a des signaux d’alerte qui ébranlent la confiance. Ces signaux sont multiples et dépendent du contexte : une infirmière avec une blouse maculée de taches, un dentiste aux mains sales, un garagiste aux mains propres… Je n’ai pas besoin que mon garagiste ait une bonne orthographe, j’ai besoin d’avoir confiance en lui pour lui laisser ma voiture.
À quoi bon les fautes ! tant que l’on se comprend, me diront certains. Le partage de sens est le degré zéro de la relation entre deux êtres. L’enjeu n’est pas forcément de se comprendre – quoique ! – mais de se faire accepter. L’enjeu n’est pas de vendre – pour le moins – mais de ne pas empêcher l’autre d’acheter.
Une étude britannique a conclu qu’une faute d’orthographe sur une page d’e-commerce divise par deux les ventes en ligne du site.
Selon TextMaster, « une seule faute d’orthographe peut avoir un impact sur la réalisation d’une vente ou d’un partenariat, et plus généralement sur l’image de l’entreprise »*. Celles qui en souffrent le plus sont les sociétés du web. En effet, les contacts directs avec leurs interlocuteurs sont quasi inexistants car 99 % des communications se font par écrit.
Cette équipe d’experts en rédaction, correction et traduction a fait une enquête pour quantifier le taux de fautes dans les courriers électroniques échangés dans le monde professionnel. Et le constat est saisissant : « 90 % des e-mails envoyés par les entreprises à leurs clients contiennent au moins une faute d’orthographe ». Ce chiffre atteint même 95 % lorsque l’e-mail est rédigé dans une langue étrangère.
Dans un article publié en 2011 par la BBC, le site de la TV publique britannique chiffrait elle aussi à « des millions » – mais en livres sterling – le manque à gagner engendré par des fautes d’orthographe, non seulement dans des emails commerciaux, mais plus généralement sur un site de e-commerce. La BBC cite un entrepreneur du web, Charles Duncombe, qui affirme que « l’analyse des chiffres d’un site Internet montre qu’une seule faute d’orthographe peut diviser par deux les ventes en ligne ». Ou, plus exactement, que corriger une faute d’orthographe permet de doubler les ventes.
De même, combien va coûter une plaquette sur papier glacé imprimée à grand tirage qui contient une faute grammaticale inexcusable – si tant est qu’il n’y en ait qu’une – en termes de crédibilité pour l’entreprise ? Cette erreur se transformera en manque de respect pour les personnes qui vont la lire, celles-ci étant les clients potentiels.
L’orthographe, devenue fondamentale dans la recherche d’emploi
Une enquête de Robert Half révèlerait que 35 % des lecteurs de CV les rejettent s’ils y détectent deux ou trois fautes d’orthographe. 20 % des recruteurs n’en laissent pas passer une seule. Même s’ils sont autant à tolérer 4 à 5 fautes avant d’envoyer le document au panier**.
Il faut savoir que 46 % des recruteurs français passent entre 5 et 10 minutes à lire un CV.
Quand bien même vous passez l’étape de recrutement, une fois en poste, on ne vous licenciera pas si vous faites des fautes d’orthographe, mais vous pourrez vous sentir mortifié si votre supérieur ou un collègue pointe vos erreurs récurrentes.
Une faute sur un post Facebook ou Twitter peut vite tourner au « bad buzz » et desservir la notoriété d’une marque. Quelques comptes Twitter ont plaisir à faire découvrir quotidiennement les fautes commises par les journaux papier, télévisés, les enseignes commerciales.
@le pleindefautes est un organe officieux de délation orthographique et grammaticale.
@Bescherelle plus exactement Bescherelle ta mère qui se dit un justicier de l’orthographe.
Il n’y a qu’à suivre leurs comptes Twitter pour découvrir de belles perles !
Suite à un débat lancé sur Linkedin sur la langue française, Bernard M., consultant en financement et optimisation de charges PMI-PME et TPI-TPE apportait la contribution suivante :
« Je regarde une bonne orthographe comme d’une importance majeure en règle générale et primordiale au travail pour différentes raisons :
1- Parce que c’est un gage de bonne communication – Dans une discussion entre un Chinois et un Allemand, il faut une langue commune sinon il y a peu de chances de se comprendre (encore qu’il existe des langages non verbaux permettant une compréhension rudimentaire). Cette langue commune est un code. En matière écrite ce code c’est l’orthographe ; elle permet au destinataire et au rédacteur de se comprendre ! Et si on brouille le code on se comprend forcément moins bien !
2- Les fautes d’orthographe constituent ni plus ni moins qu’un manque de respect envers le destinataire. C’est la preuve que le rédacteur a été inattentif, qu’il n’a pas pris soin de relire, qu’il a trop vite envoyé son message…
3- L’écriture c’est un peu comme un patrimoine qui se transmet de générations en générations. Si on la dénature, les futures générations n’auront peut-être plus moyen d’accéder à ce caractère historique. Si psycho n’est plus psycho, mais « psiko » saura-t-on encore que compte tenu du « y » et de la fin du préfixe en « o » après un « ch » qui sonne « k » il s’agit d’un préfixe d’origine grecque ?
4- Plus spécialement en matière de travail l’orthographe c’est un peu le reflet de la personne que l’on retrouve dans le texte. Prenons l’exemple d’une lettre de motivation, il faut qu’elle soit irréprochable dans l’orthographe et la syntaxe, c’est pour de nombreux recruteurs et pour moi en tout cas, un gage de sérieux et de crédibilité (peut-être même de maturité). ».
La non-maîtrise de la langue française peut être un obstacle en matière d’accès à l’emploi, dans la pratique quotidienne de son métier, en termes de progression de carrière, de développement de son réseau professionnel et privé.
Une orthographe déplorable peut refléter une absence de respect à l’égard de votre destinataire.
Une écriture défaillante peut vous évincer d’un poste auquel vous postulez.
L’anecdote suivante en est une illustration***.
Marie L., DRH d’une société de conseil renommée, découvre la candidature de Pierre P., 25 ans, qui postule à un emploi de consultant en stratégie de communication. Pierre présente les qualités académiques et expériences professionnelles requises pour le poste. Pour autant, il soutient mordicus faire preuve d’une grande rigueur. Sauf que Marie relève trois fautes de français dans sa lettre : un « s » passé à la trappe, une absence d’accord à un participe passé, l’emploi d’un futur en lieu et place du conditionnel. Marie ne fera pas confiance à Pierre pour entretenir une relation écrite avec des clients.
Une étude parue dans le magazine Les Timbrés de l’orthographe assure que 64 % des personnes intérrogées sont contre la simplification de l’orthographe. D’ailleurs, 80 % pensent être bons dans la discipline (Pierre est sans doute de ceux-là) et 98 % disent lui apporter un soin particulier quand ils rédigent un courrier ou un mail important.
Marie doit faire partie des 88 % des personnes interrogées par Les Timbrés qui avouent être agacées à la réception d’un courrier ou d’un mail contenant des fautes. Parmi eux, vos (futurs) supérieurs hiérarchiques, clients, collègues, etc. En ne sélectionnant pas Pierre, Marie entend aussi préserver l’image de son entreprise.
Les lycéens et collégiens ne sont pas en reste pour malmener notre langue française. Confusion du verbe « ont » avec le pronom « on », phrases sans verbe ou bégayantes, conjugaisons farfelues, pronoms incohérents, accords inexistants : au-delà de la forme, le sens même est touché. Des écoles ont prix conscience de ce phénomène.
À la rentrée 2010, dix-neuf universités lançaient un programme de remise à niveau en français pour leurs étudiants de première année. À l’École supérieure de commerce de Pau, les apprentis commerciaux doivent réussir au cours de leur cursus un questionnaire à choix multiple (QCM) de grammaire et de vocabulaire. À celle de Grenoble, la dictée de Pivot revient à la mode. À l’École centrale d’électronique de Paris, un concours de dictée interécoles est organisé depuis deux ans à destination des futurs ingénieurs de notre pays. À l’école d’informatique In Tech Info, un coach en orthographe transmet des astuces mnémotechniques.
Les étudiants que forment ces écoles véhiculeront dans leurs futures entreprises l’image de leur école d’origine.
Des universités l’ont compris, dans les processus d’embauche, les entreprises évaluent désormais les compétences orthographiques des candidats, pour éviter de recruter des gens qui seraient incapables de rédiger un rapport ou un email dans un français correct, notamment et surtout pour tous les métiers qui pourraient nécessiter des correspondances avec l’extérieur (clients, fournisseurs…).
Même s’il ne faut pas sous-estimer l’impact qu’une expression ou une écriture chaotique peut provoquer dans l’appréciation ou la dépréciation d’un candidat ou d’un collègue, Jean-Jacques E., sur Linkedin, considérait que la maîtrise du français ne pouvait être le seul critère pour mesurer la motivation, la compétence et l’intelligence d’un candidat. Il trouvait dommageable de passer à côté d’un bon élément parce que le recruteur aurait une sensibilité un peu trop exacerbée au bon usage du français qui aurait fait défaut dans la lettre de motivation d’un candidat.
Sans écarter ce point de vue, il est de bon ton de considérer le fait que le langage est un marqueur social fort qui a du poids dans la société qu’est l’entreprise.
Lire la suite du dossier : Y a-t-il un intérêt à soigner ses écrits ? 3/4
Dossier en 4 parties : Régression de l’orthographe : quelles sont les causes ? 1/4
Peut-on écrire sans faute ? 4/4
** Source : Figaro.fr du 19-01-2011
*** Source : http://www.huffingtonpost.fr/charlotte-henry-de-villeneuve/conseils-lettre-de-motivation_b_4765605.html?utm_hp_ref=tw