Réforme de l’orthographe : ce qu’en pensent les écrivains

En cette rentrée scolaire 2016, les manuels scolaires de nos chères têtes blondes prennent en compte une réforme de l’orthographe recommandée par l’Académie française, qui date de 1990.

A l’époque, cette réforme avait fait polémique comme je l’expliquais dans un précédent article sur ce blog « Réforme de l’orthographe : est-elle pertinente ou non ? ». Commence alors la période surnommée la « guerre du nénufar » pendant laquelle une violente campagne de presse et quelques intellectuels parisiens s’en prennent aux rectifications. Ainsi, dans le Madame Figaro du 5 janvier 1991, face à une éventuelle suppression partielle de l’accent circonflexe, Bernard Pivot, Philippe Sollers, Jean d’Ormesson et Frédéric Vitoux y expriment leur opposition.

Jean-Loup Chiflet s’attaque, crayon à la main, à cette usine à gaz : la réforme de l’orthographe.

Dans son pamphlet, il fait l’éloge de l’accent circonflexe et décortique, avec humour, les réformes de la langue française de 1635 à 1990.

En référence aux nombreux projets de réforme de l’orthographe, Chiflet cite d’Alembert, élu à l’Académie française en 1754 : « La compagnie avait formé, il y a quarante ans, le projet d’un dictionnaire orthographique pour fixer l’orthographe française ; ce projet fut bientôt abandonné. » Pourquoi ? Parce que l’Académie n’a pas le pouvoir de réformer l’orthographe, explique d’Alembert. Elle peut seulement recueillir l’usage à un moment donné parce que « le temps et la raison » ont, à la longue, toujours plus de force que la contrainte académique.

Ainsi que Flaubert qui pense qu’il faut croire à l’orthographe « comme aux mathématiques, mais ce n’est pas vraiment nécessaire quand on a du style », ou encore Jean Guitton qui très subtilement confronte l’art de ponctuer à l’orthographe : « L’orthographe relève de la mémoire, mais le sens de la différence entre le point et la virgule et les deux points manifeste la pensée. Et de penser vaut mieux que se souvenir. ».

Si en 1905, le linguiste Ferdinand Brunot, s’adressant au ministre de l’Instruction publique, s’insurgeait contre le temps que les écoliers perdaient à apprendre des règles d’orthographe : « Demandez à vos directeurs, à vos inspecteurs : le cri sera unanime, l’orthographe est le fléau de l’école (…). Comme tout y est illogique, contradictoire, que, à peu près seule, la mémoire visuelle s’y exerce, il oblitère la faculté de raisonnement ; pour tout dire, il abêtit. », le philosophe Alain, quant à lui, défendait, dans Propos sur l’éducation en 1932, l’apprentissage de l’orthographe à l’école : « J’en viens à ceci, que les travaux d’écolier sont des épreuves pour le caractère, et non point pour l’intelligence. Que ce soit orthographe, version ou calcul, il s’agit de surmonter l’humeur, il s’agit d’apprendre à vouloir. » Alain ajoute : « L’orthographe est de respect ; c’est une sorte de politesse. »

Jean-Loup Chiflet s’amuse à mettre en œuvre une vraie réforme de l’orthographe en passant en revue toutes les règles et exceptions orthographiques telles que les définit le Bled puis en imaginant comment on pourrait les simplifier. Comme le préconisait Alphonse Allais : « Kan on fé une réform, il fo la fer radical ou ne pa san mêler, voilà mon avi! ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette réforme vieille de 26 ans, ne cesse d’émouvoir, tout en faisant aussi la joie des humoristes.

Ciel mon ortograf, Jean-Loup Chiflet, édition Les Equateurs, mai 2016, 160 p.

 

 

 

 

 

Florence Augustine

Par Florence

Correctrice et rédactrice de débats, j’accompagne au quotidien les professionnels de l’édition, de la communication, les instances publiques comme privées pour valoriser leurs contenus et leurs échanges.

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