LES CAHIERS DE VACANCES : PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ ?

Vous l’avez commencé, peut-être même finalisé ? Je parle du cahier de vacances ?

Enfant, le cahier de vacances était un rituel chaque année que j’abordais avec plaisir : un moment de calme, de réunion, d’échange parent-enfant.

C’est en 1933 que Roger Magnard a créé le premier cahier de vacances : ses enfants Louis et Élisabeth en étaient les héros (« Loulou et Babette »).

Depuis, ce secteur très lucratif de l’édition parascolaire a fait du chemin, et s’est diversifié : âges, formules…

4 millions de cahiers de vacances se sont vendus en 2011. Un chiffre stable, alors que le reste du parascolaire accuse une baisse importante sur les cinq dernières années.

L’objet n’est pas cher à produire – les contenus peuvent revenir d’une année sur l’autre – et sont vendus à des prix très accessibles, dont le coût oscille entre 5 et 11 euros. Les trois quarts de ces ventes concernent la maternelle et le primaire. Pas moins de 25 collections de cahiers de vacances cohabitent dans les rayons : celles des éditions Bordas, du leader Hachette (avec sa collection Passeport qui demeure indétrônable, des éditions Nathan, Hatier et Magnard.

Les cahiers de vacances se sont aujourd’hui emparés des charades, rébus et autres jeux. Lancée il y a huit ans, la collection « Jouer pour réviser » d’Hachette, s’est enrichie en 2011 d’un cahier 6e – 5e (12-13 ans) dans lequel le problème de math de la baignoire cède la place au jeu des 7 différences.
Ces nouvelles formules n’ont pour but que de conquérir ceux qui n’avaient jusqu’alors pas été séduits par les étés studieux.

L’objectif étant de réviser en s’amusant plutôt que de réviser dans la souffrance !

Les cahiers de vacances sont de plus en plus ludiques et s’adressent désormais aux tout-petits.

Des cahiers de vacances dès la maternelle

Même si le plus gros des ventes totales se fait sur l’école primaire, les éditeurs exploitent une cible de plus en précoce. Nous y retrouvons Magnard sur les petites sections. Nathan a suivi avec le cahier T’Choupi et a rencontré un vif succès sur les petites et très petites sections.
En 2011, Hachette Éducation avait trois de ses six collections présentes sur ces tranches d’âge. Au menu, lecture, écriture et mathématiques, le tout assaisonné de jeux.

Un cahier de vacances dès la maternelle : un peu précoce me direz-vous ? Alors qu’il était question il y a peu d’une évaluation en sortie de maternelle, peut-être pas tant que cela ? Il y a cinq ans, 30 % des enfants de 2 ans entraient en maternelle. Ces cahiers de vacances naissent finalement des programmes développés.

Cette évolution ne cacherait-elle pas une pression constante de la réussite continue ?

Même si Émilie Gatineau, professeur des écoles dans le Val-d’Oise, se dit « à 100 % pour les cahiers de vacances, qui permettent de ne pas perdre le fil du programme », elle juge que « ces cahiers pour petites sections reflètent une mentalité de plus en plus répandue chez les parents qui veulent que leurs enfants soient des petits génies précoces. S’il peut être bénéfique de le préparer, le risque est surtout de dégoûter l’enfant ».

Peut-on voir dans ces cahiers de vacances que plaisir, convivialité, échange avec d’autres, ou avec votre enfant ?

Françoise Rouillon, orthophoniste, ne juge pas vraiment utiles les cahiers de vacances : « Il y a tant d’activités à partager qui feront en même temps progresser : on travaille l’espace en repérant le trajet des vacances sur une carte et on apprend à se situer, on travaille le temps en prenant des photos à coller dans un album avec des commentaires et des dessins, on travaille la durée en chronométrant une balade en vélo, on les familiarise avec un nouveau vocabulaire, des formes syntaxiques quand on leur lit une histoire, même si la technique de la lecture est en cours d’acquisition, on travaille la mesure en pesant des ingrédients pour un gâteau, on travaille le nombre en les laissant mettre la table, entrer seuls dans une boutique et payer, on travaille l’orthographe et le graphisme en envoyant une carte postale, on découvre les traces de l’histoire en visitant un château, un musée… (1) ».

Et pour les adultes ?

Les éditeurs ne sont pas en reste. Depuis cinq ans, le cahier de vacances pour adultes est arrivé dans les rayons.
À côté du maillot de bain, on trouve de plus en plus de cahiers de vacances pour adultes. Inventés en 2007 par l’éditeur Chiflet&Cie, ils se sont vendus à 170 000 exemples. L’idée étant de proposer de tester ses connaissances de manière ludique. Sociologiquement, on y voit une envie de retrouver des notions de base oubliées. S’y ajoute un plaisir nostalgique pour beaucoup. Plancher sur les verbes irréguliers nous rappelle les années lycée mais sans le regard du prof ni la note-sanction.
Vous avez également le loisir de trouver des cahiers de vacances « gourmands » spécial cuisine, plus coquins « Cahier de vacances Clara Morgane », spécial psy « Petit cahier d’exercices pour apprendre à aimer, à s’aimer et (pourquoi pas) à être aimé(e) » chez les éditions Jouvence.

En 2011, le temps pluvieux aidant, le marché pourtant mature des cahiers de vacances avait progressé de 7 %. L’été 2012 s’annonce tout aussi prometteur.

Ahhhhh ! Les vacances ne seraient-elles pas faites pour s’amuser ? Que pour s’amuser ?

(1) Source : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/584819-les-cahiers-de-vacances-sont-ils-vraiment-utiles.html