Lorsque le sujet du verbe est un groupe formé d’un nom singulier dit « collectif » (troupe, groupe, armée, foule, nuée, quantité, totalité, infinité, série, etc.) précédé d’un article et suivi d’un complément de nom au pluriel, les grammairiens, de nos jours, acceptent l’un et l’autre accord — au singulier et au pluriel — selon « le sens » ou « l’intention ». Voyons cela de plus près.

  • Avec « armée »

L’article défini « la » entraîne plutôt l’accord au singulier :

L’armée de(s) figurants obéissait comme un seul homme aux consignes du metteur en scène.

Avec « une », les deux accords sont licites :

Une armée de soldats de plomb s’étalait dans la vitrine.

Une armée de manifestants sont installés au pied de la vieille ville.

  • Avec « foule »

Avec l’article défini, l’accord au singulier l’emporte généralement, alors qu’avec « une », on note plutôt l’accord au pluriel :

La foule des visiteurs envahissait le musée.

Une foule d’enfants émerveillés s’entassent devant les vitrines des grands magasins…

  • Avec « masse »

Mêmes remarques que pour « foule » :

La grande masse des consommateurs a choisi, pour les fêtes, de faire ses courses dans les grands magasins.

Une masse de manuscrits ont été détruits dans l’incendie.

Mais on doit accepter le singulier, si le sens plaide vraiment en faveur de cet accord :

Une masse bruyante de gamins s’était engagée sur le podium à la suite du chanteur…

  •  Avec « groupe », « troupe », « nuée »

et autres termes de ce type, on retrouve la même hésitation et les mêmes grandes tendances : accord plutôt au singulier quand le « collectif » est précédé d’un article défini ; accord au choix, mais plutôt au pluriel, avec un article indéfini :

Le groupe des adolescents revint vers minuit.

La troupe des pêcheurs à la ligne s’approchait de la Marne.

Le troupeau des moutons choisit de se grouper près du bosquet de hêtres (avec « troupeau », l’accord au pluriel est fort rare…).

La nuée des confettis couvrait entièrement le sol.

Et plutôt au pluriel, cette fois :

Une troupe de chats gambadaient dans la cour du refuge de la SPA.

Une nuée de papillons voletaient en tous sens.

REMARQUE

Quand tous ces « collectifs » sont précédés d’un adjectif démonstratif ou d’un adjectif possessif, l’accord se fait au singulier.

Cette masse de nuages s’approche dangereusement…

Ce groupe de chanteurs répète un choral de Bach.

Sa série de films entre dans la catégorie des « polars de série B ».

  • Avec « la plupart »

au sens de « le plus grand nombre » et suivi d’un complément au pluriel — sauf l’exception usuelle la plupart du temps —, l’accord est au pluriel :

La plupart des pays occidentaux ont ratifié ce traité.

La plupart des coureurs ont terminé l’étape dans les temps.

« La plupart » peut être employé sans complément de nom. Dans ce cas, le verbe est également au pluriel :

Ces maisons en granit sont encore habitées. La plupart datent du xvne siècle.

S’il est construit avec un nom au singulier, il s’accorde au singulier.

La plupart du temps se passe en jérémiades. 

  • Avec « beaucoup de »

L’accord est au singulier si le complément de nom est lui-même au singulier :

Beaucoup de monde assiste à la tentative de record de Jeannie Longo.

En revanche, si « beaucoup de » précède un complément de nom au pluriel, le verbe se met au pluriel :

Beaucoup de convives ont opté pour un dessert, délaissant le plateau de fromages…

  • Après « combien » et « combien de » 

Le verbe est au pluriel.

Ô combien de marins, combien de capitaines, qui sont partis… !

Peux-tu me dire combien de billets ont été vendus ?

Combien sont venus, hier ?

  • Après « trop de »

L’accord est généralement au pluriel.

Trop d’enfants sont venus sans leur équipement de sport.

Mais c’est le singulier qui doit être adopté, en principe, quand « trop de » a l’acception de « un excès de » (emploi et construction à réserver à une signification bien particulière) :

Trop de faiblesses est nuisible…

  • Après « tant de »

L’accord naturel est le pluriel.

Tant d’arrivistes convoitent la place !

Quelques grammairiens accepteraient l’accord au singulier derrière « tant de », suivi d’un complément au pluriel : Tant de bévues est trop pour un ministre digne de ce nom.

En revanche, on peut très licitement dire : « Tant de bévues, c’est trop ».

L’accord au singulier derrière « tant de»  + complément au singulier va de soi (idem pour « trop de ») :

Tant de bêtise frise le génie, par certains côtés !

  • Avec « plus d’un(e) »

Le verbe se met au singulier, ce qui peut sembler curieux puisque « plus d’un(e) » c’est généralement au moins deux (personnes, choses…) !

Plus d’un électeur sur cinq a choisi l’abstention, cette fois.

Plus d’une minute lui suffisait pour agir.

C’est également contraire à la logique mathématique, mais notez que l’on dira :

Plus d’une minute lui suffira (et non lui suffiront).

Quelques linguistes acceptent le pluriel, mais cet accord est considéré ordinairement comme fautif, ou du moins critiquable…

Quand « plus d’un(e) » est répété, c’est le pluriel qui est recommandé :

Plus d’un employé, plus d’un ouvrier, ont vu une injustice dans ce nouveau barème des impôts directs.

  • Avec « moins de deux »

Le verbe se met au pluriel, ce qui peut être déroutant ! C’est relativement contraire à la logique mathématique (moins de deux = un).

Moins de deux minutes lui suffisaient pour agir.

  • Avec « le peu de » et « peu de »

Avec « peu de, l’accord se fait sur le complément de nom :

Peu de personnes n’aiment pas les frites.

Peu de neige est restée immaculée.

 Avec « le peu de », l’accord se fait sur le complément de nom quand la signification est « la faible quantité de » :

Le peu de traces qui subsistent dans la pièce n’aident guère les enquêteurs.

Mais, quand « le peu de » a plutôt le sens de « l’insuffisance de », le verbe s’accorde sur « peu »  :

Le peu d’encouragements que j’ai recueilli ne m’incite pas à poursuivre ce projet.

  • Les fractions, les pourcentages

Avec « moitié », « quart », « tiers »… suivis d’un complément de nom au pluriel, l’accord se fait en principe au singulier si ces expressions désignent rigoureusement, à l’unité près, la moitié, le quart, le tiers, etc., d’un total d’êtres ou de choses :

La moitié des sénateurs a préféré quitter la séance.

Le tiers de voitures est équipé de la climatisation.

Le quart des paras-commandos a été relevé par des « casques bleus ».

Mais cette règle est de plus en plus délaissée (notamment parce que, dans la plupart des cas, on ne peut savoir s’il s’agit bien exactement de 33 %, de 50 %, etc., du total !), et du coup l’accord au pluriel est choisi :

Le cinquième des députés ont moins de cinquante ans.

Le quart de ces livres sont abîmés.

Le tiers des spectateurs sont venus de Belgique…

Idem si le « collectif » est précédé d’un article indéfini :

Un quart des athlètes sont semi-professionnels.

Une bonne moitié des concurrentes au titre de Miss France sont âgées de moins de vingt ans.

Suivi d’un complément au singulier, le « collectif »/pourcentage entraîne un accord au singulier :

La moitié de la pièce montée reste à partager.

Le tiers de la somme ira aux organisateurs.

Un quart de l’électorat, selon les sondages, hésite encore, huit jours avant le référendum. 

  • Avec « plus de la moitié » , « plus du quart »

L’accord au singulier coule de source si le complément de nom est lui-même au singulier :

Plus de la moitié du territoire est dévastée (accord en genre sur le collectif, notez-le…).

Mais la préférence va au pluriel quand le complément est au pluriel :

Plus du tiers des estivants se plaignent de la pollution.

Je suis réservée d’accepter, dans un tel cas, l’accord au singulier. Doit-on comprendre dans la phrase « Plus du tiers des magasins est fermé… » que chacun des magasins a fermé un tiers de sa surface, ou de ses étalages ! ou que plus du tiers des magasins existants dans le quartier sont fermés.

L’usage flotte lorsque le complément de nom est un singulier associé à une expression/pourcentage au pluriel, puisque certains tolèrent l’accord au singulier (« les trois quarts de l’Assemblée a voté le budget »). En ce qui me concerne, j’opte pour l’accord au pluriel (à plus forte raison, bien sûr, quand le nom de la fraction/pourcentage et celui de son complément sont tous deux au pluriel : c’est une évidence !) :

Les deux dixièmes de ces maisons devront être rebâties (ici, l’accord se fait sur le complément de nom).

Les quatre cinquièmes du personnel se sont prononcés pour la réduction du temps de travail pour tous…

Un rédacteur est souvent embarrassé lorsqu’un pourcentage est le sujet de la phrase… Faut-il écrire : « 80 % de la population souffre encore de la famine », ou bien : « 80 % de la population souffrent encore de la famine » ? On est gêné parce que cette tournure laisse de côté des termes sous-entendus : l’accord au singulier découle de ce que l’on a à l’esprit une tournure du type « À raison de 80 %, la population souffre… », « La population, à 80 %, souffre… », « La population, pour 80 %, souffre… »… ; l’accord au pluriel sous-entend l’article pluriel : « Les 80 % de la population souffrent… ».

Pour ma part, j’opte à chaque fois pour l’accord au pluriel, notamment si le contexte le permet, quand on peut substituer au complément de nom singulier un équivalent au pluriel. Par exemple, en reprenant la phrase citée plus haut : « 80 % des Somaliens (ou : des Bosniaques, des Soudanais…) souffrent… », « 80 % des habitants », etc.

Source : Accords parfaits, Jean-Pierre Colignon, Jacques Decourt, CFPJ éditions.

Website Comments

  1. HENRY
    Répondre

    Bonjour,

    J’ai remarqué que vous citiez l’ouvrage « Accords parfaits » de Colignon et Decourt, sans le mentionner, ce qui s’apparente à du plagiat.

    • FlorenceAugustine
      Répondre

      Bonjour, J’ai omis de le citer, ce qui est une faute. En aucun cas, cela relève d’une volonté de plagier. J’ai été formée au métier de correcteur par ces deux personnes. L’ouvrage est désormais cité.

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